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Sur les terres d’Elsa Peretti, la créatrice qui fait souffler depuis 50 ans un vent nouveau chez Tiffany
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On croyait tout savoir d’Elsa Peretti, légendaire créatrice italienne qui, après une vie de mannequin, a redéfini l’art de la joaillerie en sublimant les objets du quotidien dans les années 1970: muse du designer américain Halston, membre de la gauche divine, mouvement d’artistes et d’intellectuels dans la Catalogne des années 1960, habituée des soirées du Studio 54… Même Beyoncé portait récemment une robe signée Elsa Peretti lors de sa tournée Renaissance World Tour. Aux États-Unis, depuis des décennies, Liza Minnelli ne quitte pas ses manchettes Bone, qu’elle arborait déjà lors de ses concerts mythiques des années 1970.
Mais retour en Europe. C’est un jour de printemps, après deux heures de route sous une pluie battante comme il en tombe parfois à Barcelone, nous voici à Sant Martí Vell, village à l’âme médiéval peuplé de 300 âmes et perdu dans le massif des Gavarres. C’est dans cette contrée que l’élégante avait trouvé refuge dès 1968 pour s’isoler des fracas du monde, et ériger au fil des années une splendide demeure en pierre, dans laquelle elle restera jusqu’à son dernier souffle en 2021.
Un lieu habité par l’âme d’Elsa Peretti
Ici flotte l’âme d’Elsa Peretti, explique Stefano Palumbo, son proche collaborateur durant vingt ans, à l’occasion du 50e anniversaire de la collaboration entre la designer et la maison Tiffany & Co. L’édifice est composé d’une série de bâtiments baptisés Casa Grande, Casa Pequeña, Casa Noves, Casa Caballo, achetés l’un après l’autre au fil des ans, et reliés entre eux par un dédale de galeries souterraines.
Ici, la salle de réception, dotée d’une imposante cheminée de l’architecte Lanfranco Bombelli. Un immense moulin en pierre transformé en table à manger trône au côté de sculptures de Xavier Corberó près d’un mur peint en bleu de Montserrat. Un peu plus loin, dans la chambre à coucher, un tableau de Salvador Dalí côtoie des œuvres monumentales d’artisanat indigène acquis lors de ses nombreux voyages en Orient, en Océanie et en Afrique. Soudain, l’odeur du parfum 1000 de Jean Patou, qui a accompagné Elsa Peretti tout au long de sa vie, semble se révéler à nos sens.
Rituel? Café et cigarette
Chaque jour, Elsa Peretti commençait par un rituel fait de cigarettes et de café. Le téléphone sonnait et elle se mettait au travail. Un peu de fard à paupières Chanel, strictement noir, et c’était parti ! Aux poignets, ses inséparables bracelet Bone en argent, toujours par deux : « Je suis grande, j’ai besoin d’équilibre ! » disait-elle. Autour, une équipe de collaborateurs mais surtout ses innombrables chiens, dont Yuki, son pékinois préféré.
Les années ont passé mais ce lieu permet de mieux comprendre une partie de son univers, notamment pour certaines de ses créations les plus révolutionnaires. Son amie photographe Colita racontait dans une interview le jour où Elsa avait ramassé le squelette d’un serpent sur la Plaça del Poble de Sant Martí Vell : « Elle le regarda et le regarda pendant des jours jusqu’à ce qu’elle en fasse un bijou. » Ainsi est né le fameux collier Serpent, qui se décline aujourd’hui en différents métaux précieux, or et argent.
Une perspicacité de scientifique
Elsa Peretti a exploré la nature avec la perspicacité d’une scientifique et la vision d’un sculpteur. Ses créations à l’esthétique organique et intemporelle, louées pour leur forme fluide et leur qualité tactile, ont rompu avec les normes traditionnelles de la joaillerie et laissé un héritage sans précédent. « Les bijoux ne sont pas des objets de mode. Ils doivent durer et ne pas être remplacés par quelque chose d’autre », avait-elle coutume de dire.
La maison Tiffany & Co. présentera cette année et en 2025 la réédition de certaines de ses créations les plus emblématiques pour célébrer le 50e anniversaire de cette collaboration. Des trésors pour les femmes qui n’attendent plus qu’on leur offre des bijoux, mais qui les achètent elles-mêmes.
Laura Mateo Bornao
September 12, 2024